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Printemps - Été 2005


Diversité sociolinguistique et ressources partagées. Regards critiques sur les politiques d'intégration linguistique en Belgique, par Philippe Hambye et Silvia Lucchini

Cette contribution (1) examine les différentes actions menées par les pouvoirs publics belges qui visent, directement ou non, l’intégration linguistique des populations immigrées.(2) Après avoir décrit brièvement l’état des mouvements d’immigration en Belgique, nous présentons dans un premier temps les logiques sous-jacentes des politiques d’intégration belges, en distinguant le cas de la partie francophone du pays et celui de la partie néerlandophone, sachant que ces politiques sont du ressort d’instances de pouvoir différentes dans les deux communautés. Nous nous concentrons néanmoins sur la situation de la Wallonie et de Bruxelles qui constitue notre champ de recherche de prédilection. Nous proposons ensuite une évaluation critique des mesures prises par les gouvernements communautaires, avant de proposer une réflexion sur les enjeux d’une transformation des conceptions courantes de l’intégration et de l’immigration en Belgique.

   
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Sommaire

2. Les politiques d’intégration linguistique en Belgique: principes et conceptions sous-jacentes
2.1 L’intégration linguistique selon la Communauté flamande
2.2 L’intégration linguistique selon la Communauté française Wallonie-Bruxelles

1. L’immigration en Belgique: état des lieux

La Belgique est depuis longtemps une terre d’accueil. L’immigration organisée a commencé au lendemain de la deuxième guerre mondiale : ont d’abord été stipulés des accords avec l’Italie, en 1946, qui prévoyaient l’arrivée hebdomadaire d’hommes pour la mine en échange d’une certaine quantité de charbon, ensuite avec l’Espagne et le Portugal en 1956, avec la Grèce en 1957, enfin avec le Maroc et la Turquie en 1964 (Morelli 1992). Le but de ces accords était de trouver une solution au manque de main-d’oeuvre dans certains secteurs. En outre, on espérait un accroissement démographique,(3) en comptant sur le taux de fécondité plus élevé des populations immigrées (Martiniello & Rea 2001).

Si l’immigration s’est officiellement arrêtée en 1974, l’arrivée d’étrangers n’a pas cessé pour autant. Parmi les facteurs qui ont permis l’arrivée de nouveaux migrants ces trente dernières années, citons le regroupement familial, qui a été depuis toujours autorisé par la Belgique, la reconnaissance du droit d’asile, les permis de travail octroyés pour des secteurs bien spécifiques, l’autorisation de séjour pour suivre des études, la perméabilité sélective des frontières prévue par le traité de Maastricht (1993) ainsi que la présence d’institutions internationales (à Bruxelles principalement). Ces nouvelles immigrations ont fait en sorte que le taux de personnes étrangères en Belgique soit resté assez stable depuis 1980 malgré le nombre important de naturalisations, suite aux réformes du code de la nationalité de 1984, 1991, 1995 et 2000.

Les dernières statistiques disponibles (1er janvier 2004 – données de l’Institut National de Statistique) font état de 860.287 personnes de nationalité étrangère résidant en Belgique, soit un peu plus de 8,2% de la population totale. La situation varie toutefois grandement selon les régions : sont de nationalité étrangère 26,3% des habitants de Bruxelles, 4,8% des résidents en région flamande et 9,1% des résidents en région wallonne. La composante de la population d’origine étrangère en Belgique est toutefois largement sous-représentée par ces chiffres qui ne concernent que la population de nationalité étrangère. Or, les modifications de l’accès à la naturalisation ont largement modifié la configuration de la population de ce point de vue, surtout pour les jeunes. A titre d’exemple, le pourcentage des jeunes de moins de 18 ans de nationalité étrangère chute de 18 % à Bruxelles entre 2000 (38%) et 2003 (20,2%).(4)

La composition de la population allochtone en termes de nationalités est aujourd’hui le résultat de ces diverses superpositions migratoires au fil du temps. Le tableau 1 reprend les statistiques de population pour les groupes minoritaires (excepté ceux issus des pays limitrophes – France, Pays Bas, Allemagne) les plus représentés en Belgique, puis dans ses trois régions. Comme on peut le voir, les Italiens, les Marocains, les Espagnols et les Turcs figurent en nombre dans l’ensemble du pays et dans les trois régions. Seuls les Portugais à Bruxelles et les Britanniques en Flandre s’ajoutent au peloton de tête. À côté des Marocains et des Turcs, qui sont en grande partie issus de la migration d’avant 1974, les étrangers originaires de pays appartenant à l’Union Européenne restent nombreux suite à l’arrivée de fonctionnaires des institutions internationales (notamment dans la région bruxelloise et dans les communes flamandes limitrophes) et par la libre circulation des biens et des personnes instituée par le traité de Maastricht en 1993. Les nouvelles migrations en dehors de l’Union, qui restent minoritaires, proviennent des endroits du monde secoués par des changements de régime et des conflits armés.(5) En définitive, on peut s’accorder avec Martiniello et Rea (2001:11) sur le constat suivant: «Comme de nombreux autres pays occidentaux, la Belgique est devenue une mosaïque de peuples et de cultures, un microcosme du monde. Assurer la cohabitation harmonieuse entre ces différentes composantes de la société belge est une nécessité qui s’impose à tous.»

Tableau 1 : Nationalités minoritaires non limitrophes les plus représentées en Belgique
et selon les régions. Source: INS 2004

 
Nombre total d’étrangers
Nationalités les plus représentées, nombre de ressortissants et pourcentage par rapport au nombre total d’étrangers de chaque région

Belgique –
10396421 habitants

860287

Italie
Maroc
Espagne
Turquie

183021 (21,3%)
81763(9,5%)
43802(5,1%)
41336(4,8%)

Bruxelles –
999899 habitants

263451

Maroc
Italie
Espagne
Portugal
Turquie

41987 (15,9%)
27953 (10,6%)
20428(7,8%)
15958(6%)
11595(4,4%)

Région flamande –
6016024 habitants

288375

Maroc
Italie
Turquie
Royaume Uni
Espagne

26799(9,3%)
23159(8,1%)
19711(6,8%)
12198(4,2%)
10064(3,5%)

Région wallonne –
3380498 habitants

308461

Italie
Espagne
Maroc
Turquie

131909 (42,8%)
13310(4,3%)
12977(4,2%)
10030(3,2%)

2. Les politiques d’intégration linguistique en Belgique: principes et conceptions sous-jacentes

Nonobstant l’ancienneté de la migration en Belgique, la prise de conscience d’être face à un phénomène structurel et stable s’est produite récemment. Depuis le début des années 1980 – soit il y a seulement vingt-cinq ans et soit seulement trente-cinq ans après le début de l’immigration organisée – des politiques d’intégration commencent à voir le jour, dont les réformes sur les codes de la nationalité déjà citées. Du côté francophone, les premiers centres destinés à la population immigrée sont créés en 1981 et en 1982, (6) tandis que le premier centre national (fédéral ensuite) pour les politiques migratoires voit le jour en 1989. (7) D’une manière générale, le mot « immigration » tend à disparaître au fil du temps pour laisser place à celui d’« interculturalité », signe d’une prise de conscience quant au nouveau statut des personnes d’origine étrangère : les autorités ne sont plus face à des « bras » venus soutenir l’essor industriel, mais face à des individus et à des citoyens, ce qui suppose une idée de rapports égalitaires entre cultures, dont la définition sera d’ailleurs de moins en moins reliée à l’appartenance ethnique. Il faudra encore du temps pour que cette égalité se traduise, partiellement, en droits politiques : les étrangers issus de l’Union européenne auront seulement le droit de vote et d’éligibilité partielle aux élections communales en 2000 (et sous la pression du traité de Maastricht) ; les autres étrangers obtiendront le droit de vote en 2004, mais sans droit d’éligibilité.

Pour comprendre les politiques d’intégration menées de chaque côté de la frontière linguistique qui sépare Flamands et francophones en Belgique, il est nécessaire de cerner les conceptions de la société, de la nation, de la langue ou de la culture qui sont dominantes dans chacune des deux communautés et qui déterminent largement les prises de position politique à l’égard des communautés immigrées.

2.1. L’intégration linguistique selon la Communauté flamande

Les politiques d’intégration linguistique qui sont menées en Flandre sont profondément marquées par le rôle central que joue la langue dans la définition de l’identité collective flamande. L’idéologie dominante en Flandre place en effet le partage d’une même langue au cœur de l’appartenance à une communauté et fait de la connaissance du néerlandais une des conditions d’une intégration citoyenneté effective. (8) Ceci s’explique notamment par l’histoire de la communauté flamande qui a dû lutter pour la reconnaissance de sa langue et de ses droits au sein d’un État belge dirigé à l’origine par une élite flamande et wallonne mais exclusivement francophone (Beheydt 1994 ; Francard 1995).

C’est pourquoi la langue occupe une position centrale dans les politiques d’intégration des populations immigrées en Flandre. Au niveau de l’enseignement, des mesures prévoient depuis les années 1990 que des moyens supplémentaires soient alloués aux écoles comptant un certain nombre d’élèves allochtones considérés comme prioritaires pour la répartition des moyens éducatifs. Depuis 2002, le gouvernement flamand a mis en place un programme visant l’égalité des chances dans l’éducation (Gelijke Onderwijskansen) par des investissements prioritaires dans les classes comprenant des élèves défavorisés. Si ces mesures ne visent dès lors plus spécifiquement les communautés immigrées, (9) elles reconnaissent néanmoins comme prioritaires les élèves pour lesquels le néerlandais n’est pas la langue de l’environnement familial (10) (Eurydice 2004a:7).

En outre, des classes d’accueil sont organisées pour les nouveaux arrivants, également dans le but de leur assurer une intégration dans la société flamande par l’apprentissage de la langue commune. Lorsqu’ils ne sont plus en âge de scolarisation, les immigrés récents qui ne sont pas citoyens européens doivent suivre depuis 2004 un « parcours d’intégration civique » (inburgeringstraject). À nouveau, l’apprentissage du néerlandais est au cœur de ce programme selon lequel le partage de la langue est le premier pas vers une pleine participation des immigrés à la société. (11)

La conception selon laquelle la langue est un des éléments clés de l’identité conduit par ailleurs les autorités flamandes à favoriser, du moins à travers leurs projets politiques, la vitalité des langues des communautés immigrées. Ainsi, l’enseignement biculturel et bilingue transitionnel italien-néerlandais (deux écoles actuellement), espagnol-néerlandais (deux écoles) et turc-néerlandais (trois écoles) a été institué dans les années 1986-87 (Byram & Leman 1990) par le Foyer, qui deviendra en 1998 un Centre régional d’intégration ayant en charge la coordination de la politique flamande à l’égard des minorités à Bruxelles. Parailleurs, un programme d’enseignement des langues et cultures d’origine (Onderwijs in eigen taal en cultuur) a vu le jour en 1991. (12) Cette valorisation du multiculturalisme peut paraître paradoxale à la lecture de ce qui précède, mais elle s’inscrit en réalité dans une logique de promotion des identités linguistiques et culturelles qui permet de justifier la primauté du néerlandais.(13) C’est ce qui explique sans doute que ces projets ne soient pas réellement mis en application et connaissent de moins en moins de succès (Verlot 2002 ; Delrue & Hillewaere 1999 ; De Schutter 2001).

2.2 L’intégration linguistique selon la Communauté française Wallonie-Bruxelles (14)

À l’inverse de l’approche culturelle et linguistique de l’intégration qui domine en Flandre, la perspective francophone évite d’identifier les élèves allophones et allochtones comme un groupe particulier, au risque d’oblitérer les problèmes particuliers que connaissent les élèves de milieu immigré et défavorisé. (15) Ainsi, dans le cas de l’enseignement francophone, certaines écoles peuvent recevoir, depuis 1998, une aide complémentaire en termes de personnel dans le cadre de mesures de discrimination positive (D+), faisant suite aux « Zones d’éducation prioritaires » qui ont existé entre 1989 à 1999 en vue d’améliorer l’égalité des chances entre élèves. Ces mesures ne visent pas les communautés immigrées de manière spécifique puisque les critères qui conditionnent l’octroi de moyens supplémentaires sont liés au niveau socio-économiques de la population des écoles, bien que ces moyens bénéficient de fait aux établissements connaissant un taux important d’élèves issus de l’immigration et qui se trouvent dans des situations sociales précaires.(16) Dans le même ordre d’idées, des efforts considérables ont été accomplis du côté de l’alphabétisation (17) (Lire et Écrire 2004), tandis que d’autres mesures existent pour remédier, de près ou de loin, à des éventuelles difficultés scolaires : enseignement spécialisé, centres d’éducation et de formation en alternance (CEFA), enseignement à distance, éducation permanente, écoles de devoirs, etc.

La logique qui privilégie une approche socio-économique des inégalités scolaires n’a pas empêché la mise en place de politiques plus directement orientées vers les populations d’origine immigrée. Celles-ci concernent, d’une part, la reconnaissance de la diversité linguistique. En Communauté française, des cours de langue d’origine à l’école prennent place dans les années 1970 (pour l’italien), mais en dehors des heures de cours. Il s’agit dès lors plus de locations de salles de classe que d’une véritable intégration de l’altérité linguistique. Les politiques scolaires organisées débutent aussi dans les années 1980: sous la poussée de la directive européenne de 1977, qui préconisait l’enseignement des langues et des cultures d’origine aux enfants migrants, deux projets pilotes d’éducation interculturelle ont vu le jour dans quelques écoles de l’enseignement secondaire bruxellois. (18) Une phase d’institutionnalisation a suivi dans les années 1990, par la signature des « Chartes de partenariat » (la première de 1996 à 2000, la seconde de 2001 à 2005) entre la Communauté française et les principaux États d’origine (Maroc, Italie, Portugal, Grèce, Turquie, mais pas l’Espagne). Le but poursuivi reste le même, à savoir l’organisation de cours de langue d’origine et des activités interculturelles à l’intention des enfants migrants, par les écoles qui en font explicitement une demande annuelle.(19) Depuis 2001, 70 écoles en moyenne ont adhéré à cet accord qui a touché environ 5000 enfants par an, dont plus de 90% sont originaires du Maroc et d’Italie (Blondin et Mattar 2003). Les changements intervenus récemment dans la formation initiale des enseignants sont un autre indice d’une prise en compte de l’hétérogénéité croissante des publics scolaires.(20)

D’autre part, les autorités publiques ont initié des actions qui visent l’acquisition des normes linguistique et culturelle par des didactiques de type compensatoire, qui cette fois tiennent compte de l’allophonie de la population migrante. Il s’agit par exemple de la création des classes-passerelles destinées aux enfants primo-arrivants par décret en 2001 (Eurydice 2004b). Ces classes-passerelles prévoient un séjour de quelques semaines à 6 mois, voire un an, dans une classe de remise à niveau où le français est appris de façon intensive. Les classes-passerelles, qui se sont avérées positives dans l’ensemble (Maravelaki & Collès 2004), sont en expansion actuellement. (21) Par ailleurs, là où le nombre d’enfants primo-arrivants ne permet pas l’ouverture d’une classe-passerelle, un cours d’adaptation à la langue de l’enseignement peut être organisé à raison de trois heures par semaine pour 20 élèves (décret de 1998).

3. Limites et échecs des politiques actuelles

Du point de vue de l’égalisation des conditions de vie des populations d’origine immigrée par rapport à celles des autochtones, les politiques décrites ci-dessus se révèlent largement insuffisantes.

En effet, selon les résultats de l’enquête internationale PISA, (22) les plus faibles performances en lecture concernent entre autres (a) les élèves immigrés nés et entièrement scolarisés en Belgique francophone dont les parents sont nés à l’étranger (13% des élèves interrogés), ce qu’on appelle classiquement la deuxième génération, (23) et (b) les élèves allochtones (5%), c’est-à-dire ceux qui sont nés à l’étranger. (24) Par rapport au score en lecture des élèves natifs (qui est de 495 et donc très proche de la moyenne internationale fixée à 500 points), les élèves de deuxième génération obtiennent 406 points et les élèves nés à l’étranger 414 points (25) (Lafontaine et al. 2003 : 87). La différence est importante avec les natifs mais minime entre les enfants immigrés eux-mêmes.

   


Quant al tipus de relacions entre el programa “Voluntaris per la llengua” i altres entitats i institucions, destaquem la vinculació amb la pròpia administració pública. També es mantenen relacions amb entitats assistencials o culturals de caràcter ètnic, amb entitats de tipus especialista i generalista, i amb entitats reivindicatives de caràcter generalista com poden ser els sindicats (vegeu la taula 2).
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