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Été 2003


Le suivi de l'évolution de la situation linguistique au Québec, un projet à agenda connu, par Pierre Bouchard

L’Office québécois de la langue française (OQLF) s’est récemment vu confier le mandat de surveiller l’évolution de la situation linguistique au Québec et d’en faire rapport au moins tous les cinq ans au ministre. La réalisation de ce mandat doit être vue comme une continuation de ce qui avait été amorcé au cours des années ’90. Cela étant dit, l’auteur présente dans ce texte les questionnements et les travaux préparatoires à la réalisation de ce mandat, ainsi que le plan de travail qui constituera en quelque sorte l’ossature du prochain bilan. Quant aux stratégies de diffusion retenues, l’auteur se fait l’écho d’une décision du Comité de suivi qui souhaite ne pas attendre la production du rapport prévu par la loi pour diffuser les indicateurs mis à jour ou nouvellement élaborés, ainsi que les recherches réalisées dans ce contexte, mais de le faire au fur et à mesure à travers la publication de petits fascicules et dans Internet. Le bilan consisterait alors à intégrer tous les indicateurs produits en vue de poser un diagnostic éclairé, s’il en est.

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Sommaire

1. Introduction

2. Quelques précédents

3. Le suivi de la situation linguistique
3. 1 Travaux préparatoires
3.1.1 Session de remue-méninges
3.1.2 Création de deux groupes de travail
3.2 Plan de travail
3.3 Stratégies de diffusion

4. Conclusion

5. Bibliographie

 

1. Introduction

Le 1er octobre 2002, dans le cadre des dernières modifications apportées à la Charte de la langue française, l’Office québécois de la langue française s’est vu confier le mandat de surveiller l’évolution de la situation linguistique au Québec et d’en faire rapport au moins tous les cinq ans au ministre, notamment en ce qui a trait à l’usage et au statut de la langue française ainsi qu’aux attitudes et aux comportements des différents groupes linguistiques (L.R.Q., c. C-11, a. 160).

Il est à la fois étonnant et intéressant qu’un tel mandat se retrouve dans la Charte de la langue française. En effet, pour les personnes qui ont suivi l’évolution de la situation linguistique au Québec, force est de constater que le suivi organisé de la situation linguistique au Québec n’a été vraiment amorcé qu’au cours des années ’90, et ce, bien que les efforts de francisation aient officiellement débuté bien avant, soit au cours des années ‘70. Plusieurs recherches ont bien été conduites auparavant (dans les domaines du travail, des médias et des services; sur les attitudes des groupes linguistique; et sur la qualité et la maîtrise du français, pour ne nommer que celles-là) et il y avait beaucoup de données administratives disponibles, mais peu d’efforts n’avaient jusqu’alors vraiment été faits pour articuler toutes ces données et poser un diagnostic fiable de la situation linguistique. Au cours des années ’90, cependant, cette préoccupation a vu le jour et a donné lieu à quelques précédents dont il sera question dans la première partie de ce texte, des précédents qui allaient d’ailleurs inspirer le suivi maintenant inscrit dans une loi. Cette obligation de faire périodiquement rapport de l’évolution de la situation linguistique est aussi très intéressante, car elle assure une certaine reconnaissance à cette fonction d’évaluation de l’application de la politique linguistique, elle fournit au gouvernement les moyens de suivre la situation et de réagir au besoin. La deuxième partie de ce texte traitera donc des travaux réalisés ou à réaliser dans ce nouveau contexte.

2. Quelques précédents

En 1992, le Conseil de la langue française, en collaboration avec les autres organismes créés par la Charte de la langue française (l’Office de la langue française, la Commission de protection de la langue française et la Commission de toponymie) et le Secrétariat à la politique linguistique a vraiment commencé à travailler dans cette optique. En effet, la publication du fascicule Indicateurs de la situation linguistique au Québec en 1992 constituait une première expérience importante dans le domaine au Québec, même si elle se voulait limitée. La conjoncture économique d’alors ne permettant pas de réaliser de nouvelles collectes de données, il fut plutôt décidé de limiter l’opération aux données existantes, en les rassemblant et en les intégrant autour de grandes thématiques, pour ainsi proposer une sorte de tableau de bord de la francisation au Québec. Le fascicule alors publié présente des informations relatives à la population, à l’immigration, à l’éducation, au travail, aux revenus, aux communications, à la culture, à la certification des entreprises et des organismes de l’Administration, à la toponymie. Ce fascicule, il est important de le souligner, n’a pas été réédité depuis, mais un certain nombre des indicateurs qui y étaient présentés ont été mis à jour en 1995 à l’occasion du bilan de la situation linguistique dont il sera question plus loin.

En 1994, la même équipe a poursuivi le travail amorcé en 1992, en approfondissant la thématique du travail à l’aide de soixante et un indicateurs et d’une analyse intégrant un grand nombre de dimensions de la langue de travail alors traitées. Cette analyse a permis d’articuler entre eux les indicateurs disponibles en regard du travail et ainsi de mieux comprendre l’action des facteurs favorables ou défavorables à l’usage du français. Cette publication ne pouvait que préparer et servir à la réalisation d’un bilan plus englobant qui allait bientôt être commandé par le Gouvernement de l’époque à un Comité interministériel.

Un bilan a en effet été commandé et réalisé en 1995 et publié en 1996 (Comité interministériel…, 1996). Depuis 1977, il semblait qu’outre des changements importants survenus dans la législation linguistique (1), la société québécoise faisait face à de nouveaux besoins alimentés principalement par le contexte démolinguistique, par la mondialisation de l’économie et par l’avènement des nouvelles technologies de l’information. Ceci devait dès lors amener le comité interministériel à se pencher sur la situation de la langue française dans un grand nombre de sphères de la société québécoise. Aussi, le bilan alors réalisé traite-t-il de la langue du travail, de la francisation des entreprises, de la langue du commerce et des affaires, de la langue de l’Administration et des organismes parapublics, de la langue de l’enseignement, de la langue de l’intégration des immigrants, de la langue des pratiques culturelles et du français dans la mondialisation des échanges et de l’information. Il en résulte qu’un long chemin a été parcouru depuis 1977 vers un usage normal et habituel de la langue française au Québec. En effet, on a pu observer une nette progression vers la généralisation de l’usage du français dans différents domaines, notamment la fréquentation de l’école française par une grande majorité des jeunes immigrants et l’accroissement de l’usage du français dans la vie des entreprises. Par ailleurs, il est aussi apparu qu’il reste encore du chemin à parcourir pour faire du français, la langue commune des Québécois.

Une autre opération d’envergure a aussi été menée au cours de l’exercice 2000-2001 par la Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec. Cette commission avait comme mandat d’identifier et d’analyser les principaux facteurs qui influencent la situation et l’avenir de la langue française au Québec, de dégager les perspectives et les priorités d’action pertinentes, de procéder à l’examen des articles de la Charte de la langue française mis en cause et, enfin, de présenter des recommandations visant à assurer l’usage, le rayonnement et la qualité de la langue française au Québec (Commission des États généraux…, 2001 : i). Contrairement au Comité interministériel qui s’était efforcé «de fournir un portrait chiffré des situations observées, chaque fois que les données étaient disponibles» (Comité interministériel…, 1996 : 219), cette commission a plutôt choisi, pour réaliser son mandat, de tenir «des audiences dans toutes les régions du Québec de même que des audiences nationales», d’organiser «des journées thématiques et un colloque international sur des sujets précis et névralgiques pour l’avenir du français au Québec» (Commission…, 2001 : i). Il en a dès lors résulté un bilan de type qualitatif faisant état de progrès considérables accomplis depuis 1977 (ex. : dans les domaines de la langue de l’enseignement, de la langue du commerce et des affaires et de la francisation des entreprises). Par ailleurs, les commissaires en sont aussi arrivés au constat que cette situation n’est pourtant pas irréversible. Selon eux, «il suffirait de peu pour briser cette cohésion sociale. De nouvelles pressions, attribuables à une nouvelle situation économique et sociale sur le plan international qui tend à imposer l’anglais sur le français, font en sorte que certains reculs et plafonnements sont maintenant observables au Québec.» (Commission…, 2001 : 10). En bref, ce constat ne pouvait qu’inciter le gouvernement à se donner les moyens de suivre l’évolution de la situation linguistique au Québec et c’est ce qu’il a fait en inscrivant dans la loi 104 (L.Q. 2002, c. 28) cette obligation de surveiller la situation et d’en faire rapport au ministre au moins tous les cinq ans.

3. Le suivi de la situation linguistique

Selon les dernières modifications apportées à la Charte de la langue française, un nouveau bilan doit être produit avant octobre 2006, date anniversaire de l’entrée en vigueur de la Loi 104 (L.Q. 2002, c. 28). Comment se préparer à la réalisation d’un tel bilan? C’est la question générale que l’équipe de recherche de l’Office québécois de la langue française s’est d’abord posée. Et la réponse à cette question ne coulait pas de source.

Devait-on tout recommencer à neuf ou tabler sur ce qui était déjà fait? Quelle perspective adoptée? Qui devait faire quoi? Comment le faire et quand le faire? Avec quels budgets? Comment et quand diffuser? Ce sont là autant de questions particulières qui ont été mises sur la table et auxquelles il paraissait important de trouver le plus rapidement possible des réponses.

En plus, la loi prévoyait la création d’un comité de suivi de la situation linguistique composé d’«un président, choisi parmi les membres de l’Office», d’un «secrétaire, choisi parmi son personnel» et de «trois personnes qui ne sont pas membres de l’Office ou de son personnel». La loi mentionnait en outre que le Comité de suivi de la situation linguistique devait compter selon la loi «au moins deux spécialistes en démographie ou en sociolinguistique» (L.R.Q., c. C-11, a. 165.12). D’autres questions s’ajoutaient donc à celles déjà énumérées précédemment. Qui ferait partie de ce comité? Quel serait le rôle de ce comité et comment ses membres interagiraient-ils avec l’équipe de recherche et les collaborateurs externes?

Et quel serait le mandat de ce comité? La loi stipulait que le Comité de suivi de la situation linguistique soumet «à l’Office, à sa demande ou de leur propre initiative, des propositions et des avis» (L.R.Q., c. C-11, a. 165.11). Mais comment pouvait-on interpréter un tel libellé? L’équipe de recherche s’est posée la question et les membres du comité ont aussi fait de même. C’est d’ailleurs ce qui a amené ces derniers à définir leur mandat de la façon suivante, soit

a) faire des propositions à l’Office québécois de la langue française quant au type de recherches qui pourraient être conduites pour réaliser le suivi de l’évolution de la situation linguistique;

b) émettre des avis relativement à la qualité scientifique des recherches et des indicateurs réalisés dans le cadre de ce suivi;

c) émettre éventuellement à l’OQLF des avis et des propositions sur les actions à entreprendre découlant des recherches.

Enfin, l’ampleur du mandat confié par le Législateur amena l’équipe de recherche à réfléchir sur les modalités de la réalisation d’un tel bilan. Il apparut rapidement que le travail ne pouvait uniquement être fait à l’interne. D’ailleurs, une leçon à tirer de l’expérience passée était sans contredit qu’une telle opération ne pouvait être réalisée sans une collaboration importante de partenaires (Georgeault, 2003 : 359), ainsi que sans recourir à un comité scientifique reconnu ou jouant un tel rôle. Aussi, a-t-on fait en sorte d’intégrer dès le départ un certain nombre de partenaires au processus de réalisation de ce suivi et de travailler de concert avec le Comité de suivi. Il en sera d’ailleurs question dans les pages qui suivent.

3.1 Travaux préparatoires

Toutes ces questions ont ainsi conduit l’équipe de recherche de l’Office québécois de la langue française à rechercher les meilleurs moyens de réaliser le mandat confié. Une première décision d’importance a donc été de partir des indicateurs déjà publiés et des bilans déjà réalisés et de soumettre le tout à la consultation d’un groupe d’experts, membres du comité de suivi et autres. Et une autre décision, et non la moindre, a été de créer deux groupes de travail pour les questions qui n’avaient pas formellement été abordées antérieurement, soit la qualité et la maîtrise du français et les comportements et les attitudes des différents groupes linguistiques.

3.1.1 Session de remue-méninges

L’idée de consulter des experts a conduit l’équipe de recherche à organiser en novembre 2002 une session de remue-méninges autour des questions suivantes, déjà couvertes par le bilan de 1996 : langue et population, langue et immigration, langue et enseignement, langue et travail, langue et informatique, langue et revenu, francisation des milieux de travail et langue du commerce et des affaires. Les objectifs de cette session avaient été définis de la façon suivante :

a) orienter le plus rapidement possible les travaux dans le domaine;

b) obtenir un avis scientifique de la part des chercheurs intéressés par cette question;

c) hiérarchiser les travaux nécessaires à la réalisation d’un tel suivi;

d) examiner les moyens à mettre en place pour assurer un meilleur partenariat (autre session, colloques, stages…).


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