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Sociolingüística internacional


Aperçu sur la situation sociolinguistique
en Afrique
, per Marcel Diki-Kidiri


CONTINUA


Au Sénégal, où le wolof est la langue majeure parlée par 80% de la population, on aurait pu s’attendre à ce qu’elle devienne le ciment linguistique de la construction nationale, Léopold Sédar Senghor accorde le statut de "langues nationales" aux six langues du pays. La reconnaissance du seul wolof comme langue nationale aurait passé pour une tentative d’imposition de cette langue aux minorités ethniques qui pourtant la parlent déjà par nécessité, sans l’intervention de l’État.

Au Cameroun, au Gabon, en Côte d'Ivoire, et dans beaucoup d’autres pays africains, les langues africaines n’ont bénéficié d’aucune politique de promotion de la part des autorités politiques des années 1960. On évoquait plusieurs raisons à cela : les langues africaines étaient trop nombreuses, le plus souvent non codifiées par écrit. On n’hésitait pas à les considérer comme dépourvues de pensées précises, mais surtout elles faisaient peur. Promouvoir les langues africaines risquait de déclencher des passions qui pourraient conduire à des revendications identitaires, voire à des soulèvements à caractère tribale. Du côté des chancelleries européennes, toujours omniprésentes dans les affaires politiques africaines, la promotion des langues africaines est considérée comme une menace directe sur la position prédominante des langues officielles européennes. Et comme un chef d’État africain, dans ces années-là, était toujours assis sur un siège éjectable, il réfléchit à deux fois avant d’annoncer une politique linguistique favorable aux langues africaines.

2. 2 Une réalité incontournable

C’est donc par des voies détournées que des politiques linguistiques vont progressivement se mettre en place.

D’abord, le taux très élevé de l’analphabétisme au sein des populations rurales en particulier, va conduire les gouvernements à élaborer une politique d’alphabétisation, avec l’appui d’organismes internationaux oeuvrant pour le développement (Programme des Nations Unies pour le Développeñment, Banque Mondiale, etc). La question de savoir dans quelle langue alphabétiser se pose inévitablement, et l’on en vient tout aussi inévitablement à préférer les langues du milieu, donc les langues africaines.

Ensuite, le bilan catastrophique des échecs scolaires constatés partout en Afrique, quelles qu’en soient les raisons, a conduit les gouvernements africains à se pencher sur la question, très difficile, de la réforme scolaire dans le cadre plus large de la réforme du système éducatif. Là encore de nombreuses conférences internationales impliquant plusieurs organisations nationales et internationales (UNESCO, ACCT, UNICEF, etc.) les hommes politiques se sont progressivement habitués à l’idée que si l’enseignement était donnée dans les langues du pays, les enfants apprendraient mieux. Oui, mais quelle langue choisir?

Tous les spécialistes de l’aménagement linguistique et de l’éducation savent que cette question n’est qu’un prétexte pour ne rien faire, car dès lors que l’on se situe dans une situation concrète, la question du choix ne se pose plus du tout. La seule question qui demeure toujours et partout est celle de la volonté politique d’aller jusqu’au bout. Les hommes politiques sont-ils véritablement décidés à conduire jusqu’au bout une politique d’aménagement linguistique en faveur des langues africaines les plus aptes à assurer, sans ruptures culturelles drastiques, l’évolution des populations et le développement de leurs pays? Telle est la vraie question, car le succès de l’entreprise est à la hauteur de l’engagement de l’homme politique qui l’entreprend.

3. La situation des langues africaines aujourd’hui

Le nombre des langues africaines est généralement estimé à environ 1800 dont environs 400 seulement ont fait l’objet d’une description scientifique avancée ou exhaustive. Si plusieurs dizaines de ces langues sont en voie d’extinction, d’autres sont au contraire en pleine expansion. C’est parmis celles-ci qu’un petit nombre (moins d’une cinquantaine) retiennent davantage l’attention par la place spéciale et importante qu’elles ont conquise comme moyen privilégié de communication soit à l’intérieur d’un même pays, soit sur une vaste étendue recouvrant plusieurs pays.

La typologie suivante qui reprend et actualise celle proposée, en 1993, à l’Agence Intergouvernemental de la Francophonie (AIF) pour les pays francophones (Renard, 2000:109) s’applique à l’ensemble des langues africaines. Elle distingue:

3. 1. Langues transnationales

On appelle ainsi les langues qui sont parlées dans au moins deux pays. Certaines d’entere elles sont largement répandues au-delà de leur berceau régional, ce sont les véhiculaires, tandis que d’autres sont limitées aux zones géographiques occupées par leurs locuteurs propres, ce sont les vernaculaires. Plusieurs de ces langues sont officiellement reconnues comme véhicules d’une ou de plusieurs activités formelles précises dans certains des pays où elles sont parlées. On dit alors qu’elles ont un statut spécifique. Les statuts spécifiques les plus courants sont: langue officielle, langue nationale, langue d’enseignement, langue d’alphabétisation, langue des médias, langue religieuse, langue commerciale, etc.

Véhiculaires. La plupart ont acquis un statut spécifique dans plusieurs des Etats où elles ont cours. Exemples:

- le kiswahili (Tanzanie, RDC, Kenya Uganda, Burundi, Rwanda)
- le complexe manding : bambara-dioula-malinke (Mali, Burkina-Faso, Côte d’Ivoire, Sénégal, Guinée, Guinée-Bissau)
- le complexe kirundi-kinyarwanda (Burundi, Rwanda)
- le kikongo-munukutuba (RDC, Congo, Angola)
- le lingala (RDC, Congo)
- le peul (Sénégal, Gambie, Mauritanie, Mali, Burkina-Daso, Guinée, Guinée-Bissau, Bénin, Cameroun, Centrafrique, Côte d’Ivoire, Niger, Nigeria, Tchad)
- le wolof (Sénégal, Mauritanie, Gambie)
- le hawsa (Nigéria, Niger)
- le yoruba (Nigéria, Bénin, Togo)
- l’arabe (Tchad, Comores, Djibouti, Mauritanie, Somalie, Soudan, Algérie, Maroc, Tunisie).


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