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La
mission confiée au rapporteur, telle qu'il l'a comprise, concerne les savants, et non les
militants. Elle revient à confronter ce que la linguistique sait des langues
effectivement parlées sur le territoire de la République avec les principes, notions et
critères énoncés par la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
Commençons par cette dernière afin d'éclairer le choix des langues à retenir. Une prudence affichée dans les
principes
La Charte, ainsi que le Rapport
explicatif (1), semblent procéder avec prudence.
Rappelant à plusieurs reprises la légitimité, la nécessité et les vertus des langues
officielles, ces textes se donnent un objectif d'ordre culturel, voire écologique :
"protéger et promouvoir les langues régionales ou minoritaires en tant qu'aspect
menacé du patrimoine culturel européen" (Rapport explicatif, p.5). Demandant aux
locuteurs de "placer à l'arrière-plan les ressentiments du passé" (ibid.,
p.6), se refusant à "remettre en cause un ordre politique ou institutionnel"
(ibid., p.10) les auteurs de ces textes attendent des États une action positive en faveur
de langues victimes hier de l'histoire, aujourd'hui de la communication de masse, et
marquées par un degré plus ou moins grand de précarité.
Ce désir de protéger les
langues historiques de l'Europe, dont certaines "risquent, au fil du temps, de
disparaître" (Préambule de la Charte, alinéa 3) a deux conséquences. D'une part,
une telle politique donne des droits aux langues, et pas à leurs locuteurs : "la
Charte ne crée pas de droits individuels ou collectifs pour les locuteurs de langues
régionales ou minoritaires" (Rapport explicatif, p. 5) ; d'autre part, il s'agit de
conforter un patrimoine, national et européen, dans sa diversité et sa richesse. Ce qui
invite la République française à reconnaître les langues de la France, comme
éléments du patrimoine culturel national. Insistant sur ce double aspect le professeur
Carcassonne a estimé que la signature de la Charte n'était pas contraire à la
Constitution, "étant entendu d'une part, que l'objet de la Charte est de protéger
des langues et non, nécessairement, de conférer des droits imprescriptibles à leurs
locuteurs, et d'autre part, que ces langues appartiennent au patrimoine culturel indivis
de la France" (2).
Espérant obtenir une action au
moins minimale d'un ensemble de pays dont les situations linguistique et juridique sont
fort différentes, les auteurs de la Charte ont multiplié les expressions du type
"dans la mesure du possible", "de manière souple",
"faciliter" abondent. A cela s'ajoute une relative latitude pour la mise en
oeuvre.
Une souplesse proposée
dans la mise en oeuvre
La signature est distincte de
la ratification. Celle-là s'associe de la reconnaissance de neuf "objectifs et
principes" généraux, et valables pour "l'ensemble des langues régionales ou
minoritaires pratiquées sur le territoire" (Charte, article 2, alinéa 1) ; ces
principes d'intention forment la partie II ; aucun d'entre eux, pour le professeur
Carcassonne, "ne paraît heurter ceux de la Constitution" (ibid., p. 54).
Celle-ci, qui est distincte et qui peut être postérieure (3), concerne directement la liste des
langues régionales ou minoritaires retenue:
Chaque État contractant doit
spécifier dans son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation chaque
langue régionale ou minoritaire ... (Charte, article 3, alinéa 1). |