Logotip de la revista Noves SL

Presentació

hemeroteca

bústia

Logo

Sociolingüística catalana


Les langues de la France, per Bernard Cerquiglini


CONTINUA


Des contraintes dans la définition des langues régionales ou minoritaires

Si la Charte se donne une mission essentiellement culturelle et s'accompagne de précautions, le concept de langue qu'elle utilise est en revanche assez contraignant, et procède par exclusion:

Article 1 – Définitions

Au sens de la présente Charte :

a) par l'expression "langues régionales ou minoritaires", on entend les langues :

i. pratiquées traditionnellement sur un territoire d'un État par les ressortissants de cet État qui constituent un groupe numériquement inférieur au reste de la popula- tion de l'État ; et

ii. différentes de la (les) langue(s) officielle(s) de cet État ;

elles n'incluent ni les dialectes de la (les) langue(s) officielle(s) de l'État ni les langues des migrants.

Plusieurs termes sont à commenter, que nous avons placés en italiques.

1. Ressortissants vs migrants

"La Charte ne traite pas la situation des nouvelles langues, souvent non européennes, qui ont pu apparaître dans les États signataires par suite des récents flux migratoires à motivation souvent économique" (Rapport explicatif, p. 6). Il s'agit donc de reconnaître les seules langues parlées par les ressortissants du pays, distinguées des idiomes de l'immigration. Cette distinction est toutefois délicate pour une République qui reconnaît, légitimement, le droit du sol : dès la seconde génération, les enfants nés de l'immigration sont citoyens français ; beaucoup conservent, à côté du français de l'intégration civique, la pratique linguistique de leur famille. On peut cependant suivre l'esprit de restriction de la Charte, en insistant sur le deuxième point :

2. Traditionnellement

Le texte concerne les langue régionales ou minoritaires pratiqués "traditionnellement" ; on dit aussi "historiques" (Préambule, § 2). Si cette notion invite à ne pas retenir les langues de l'immigration récente, elle incite au rebours à considérer, du point de vue linguistique, l'histoire de notre pays.

De nombreux citoyens des départements français d'Afrique du Nord parlaient l'arabe ou le berbère. Certains, pour des raisons sociales, économiques ou politiques (en particulier les harkis) se sont installés en France métropolitaine, sans cesser d'être des ressortissants français ; ils vivent encore, et parlent leurs langues, ou bien leurs descendants ont conservé une pratique bilingue. Cette situation semble correspondre exactement à celle des langues régionales ou minoritaires visées par la Charte. On rappellera que le berbère n'est protégé par aucun pays (il est même menacé) ; on notera que l'arabe parlé en France n'est pas l'arabe classique, langue officielle de plusieurs pays, mais un arabe dialectal, dont certains linguistes pensent qu'il est en passe de devenir une variété particulière, mixte des différents arabes dialectaux maghrébins.

Cette "tradition" peut être récente, sans pour autant renvoyer à une situation de migrance. C'est le cas des Hmong, originaires du Laos, installés en Guyane, à la suite d'un geste humanitaire de la France, en 1977 ; ils constituent une population d'environ 2000 personnes, implantés dans deux villages monoethniques ; ils sont citoyens français et, pour les plus jeunes, bilingues français-hmong. Tout conduit à retenir ce dernier parmi les langues régionales ou minoritaires de la France. Un argument du même ordre peut être développé en faveur des populations arméniennes installées dans notre pays après les massacres d'avril 1915 : l'arménien occidental est à ranger parmi les langues de la France (6).

En revanche, des ressortissants français issus, parfois lointainement, de l'immigration parlent encore l'italien, le portugais, le polonais, le chinois, etc. par transmission familiale. Ces langues ne sont pas à retenir ici. Outre que rien ne les menace, elles sont enseignées, comme langues vivantes étrangères, dans le secondaire et le supérieur.


3 de 6